Cela fait presque un mois que la France a libéralisé son marché des paris sportifs en ligne. Et depuis, Coupe du Monde oblige, c'est une véritable déferlante. A la télé, à la radio ou sur internet, les annonceurs ont sorti l'artillerie lourde pour se faire connaître. D'ailleurs, les paris en ligne ne restent pas cantonnés aux espaces publicitaires. Lors de la retransmission des matches sur TF1, les commentateurs annoncent à chaque fois la cote des deux équipes et renvoient au site de la chaîne.
La libéralisation du marché représente une révolution. Car jusqu'à présent, les jeux d'argent relevaient d'un monopole des casinos, de la Française des Jeux et du PMU. Les nouveaux arrivants -une dizaine d'acteurs reconnus par l'Autorité de régulation des jeux en ligne - espèrent se tailler une part de cet immense gâteau qui devrait représenter 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires dès 2011.
TF1 et La Française des Jeux à la noce
Déjà, les stratégies se dessinent. Les "poids lourds" (Française des Jeux, PMU) comme les petits nouveaux se sont engagés dans des partenariats avec les différents médias. La Française des Jeux (FDJ) est ainsi mariée à TF1. Leur bébé : un site au nom un peu compliqué, tf1jeux.parionsweb.fdj.fr.
La page Coupe du Monde du site de TF1 s'ouvre sur des publicités pour FDJ.fr ainsi que pour Eurosportbet.fr, une société créée par TF1 avec sa filiale Eurosport. Et TF1 se charge aussi de convertir les Français qui renâcleraient à jouer en ligne. Outre les commentaires télévisés pendant les matches, TF1.fr fait la promotion des paris en ligne par plusieurs biais. Le site comporte une nouvelle rubrique, "Jeux et paris". En fin d'article, les lecteurs sont incités à jouer. Ainsi, avant le match Espagne - Portugal de mardi, un article s'achevait sur la mention : "Si vous pariez 10 euros sur une victoire du Portugal, vous pouvez gagner 34 euros !" Pour les internautes qui hésiteraient encore, TF1 aide à "bien" parier, en proposant des commentaires, des statistiques et même un lien "parier comme la rédaction de Téléfoot".
Pour sa page hippisme, en revanche, TF1 s'est associé au PMU.
Mais La Française des Jeux est polygame. Elle ne mise pas que sur TF1, mais s'invite aussi sur le site de France Télévisions, où elle a acheté des bannières publicitaires pour son site ParionsWeb.fr. La FDJ est présente sur tous les supports. Radio : RTL a ouvert un site dédié aux paris sportifs intitulé "On joue le match", en partenariat avec ParionsWeb.fr. Internet : 20minutes.fr a lui aussi ouvert une page dédiée aux paris sportifs qui renvoie sur parionsweb.fr. Presse papier : le gratuit 20 Minutes diffuse des publicités pour parionssport.fr, une autre marque de La Française des Jeux.
Le PMU a plusieurs dadas
De son côté, le PMU reste plus ciblé : le hippisme avant tout. C'est bien simple, de TF1 à lequipe.fr, en passant par Canal+, toutes les pages spécialisées hippisme sont aux couleurs vertes du PMU. Mais le PMU compte bien grignoter des parts de marché sur les autres sports. Il s'est pour cela associé au site RMC Sports.
Parmi les nouveaux arrivants, deux sont particulièrement actifs : BetClic.com et Sajoo.fr. BetClic est présent sur M6, notamment sur le site de l'émission "100% Foot", ainsi que sur celui de la radio Europe-1.
Pour sa part, Sajoo a ciblé les titres du groupe Amaury : L'Equipe et le Parisien/Aujourd'hui en France. Ainsi, le site du Parisien, qui a vendu des espaces publicitaires à Sajoo.fr, a ouvert une rubrique "Paris en ligne : les jeux sont ouverts". On y trouve un article "Jouer sur internet, mode d'emploi", qui est fort opportunément illustré... par une capture d'écran du site Sajoo.fr.
Lequipe.fr est moins exclusif. Les espaces publicitaires sont achetés un jour par Sajoo.fr, le lendemain par Bwin.fr. Le site propose tout de même une nouvelle rubrique: "paris sportifs", avec l'agenda des prochaines rencontres sportives et un comparateur de cote renvoyant vers différents sites de paris en ligne. Notons que les paris sportifs n'envahissent pas les articles. Les papiers de présentations des matches de Coupe du Monde ne mentionnent pas les cotes des équipes. Ce n'est pas le cas des pages hippiques, où le PMU est omniprésent.
France Football compte lui aussi Sajoo.fr parmi ses annonceurs. Le site a ouvert une rubrique "Paris sportifs". Ici, pas de publicité directe pour un site de pari, mais les articles sont faits pour attirer les annonceurs, avec des informations du type : "Miser aujourd'hui sur une victoire des Pays-Bas dans ce Mondial peut rapporter gros, sa cote sur les principaux sites de paris est à 6,00."
Notons enfin que lemonde.fr a lancé un site de paris "gratuits", en partenariat avec sportingbet, et destinés à attirer les lecteurs vers le propre site de sportingbet.
Et voilà le poker
Au total, près de 22 millions d'euros de dépenses publicitaires ont été investies en France par les opérateurs de jeux sportifs en ligne, pour la seule période comprise entre le 8 et le 27 juin, selon une étude de l'institut d'études et de veille des médias, Kantar média. Sur les 15 premiers jours, ceux qui ont dépensé le plus ont été la FDJ (27% de parts de marché), le PMU (24%).
Mais les frais de promotion devraient être revus à la baisse après la fin de la Coupe du Monde - pour mieux laisser place à l'arrivée du poker en ligne. Ce jeu d'argent, légal depuis ce mercredi, vise pour sa part un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros en 2010 et de 500 millions d'euros en 2011. Et cette fois, en l'absence de géants historiques comme le PMU et la FDJ, les nouveaux arrivants peuvent espérer se tailler la part du lion. A tel point que le Parti socialiste a vu dans la liste des opérateurs retenus le "symbole (de) toutes les ramifications entre le pouvoir et les puissances de l'argent", visant notamment Martin Bouygues (TF1) ou Stéphane Courbit, proches de Nicolas Sarkozy.
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